Des hommes qui se maquillent ? Des hommes qui portent des habits efféminés ? Des hommes qui dansent ? Des hommes qui jouent sur l’androgynie pour faire vendre ? Le monde a changé chers old-schoolers à l’étroitesse d’esprit hors norme ! Il est donc grand temps de nous remettre dans le droit chemin et de considérer l’évolution et la versatilité de l’expression du masculin dans les arts de la scène en nous concentrant sur le modèle de la Kpop ! La foire aux opinions constructives est officiellement ouverte ! Bonne lecture.
En fan assidue de musique et de bon rock’n’roll depuis ma plus tendre enfance, quand on me demande d’associer le glamour à l’image de l’homme, le premier profil qui me vient à l’esprit est sans conteste issue des années 80 aux Etats-Unis. Si vous ne voyez pas de qui je veux parler, revoyez vos classiques car nul n’est plus porte-parole de ce qu’on appelle le « glam rock » que Prince.
Le « glam-rock » a permis à une nouvelle masculinité de se développer aux alentours des années 80, en particulier aux Etats-Unis, en permettant de considérer l’éventualité, pour l’époque, qu’il n’était alors pas forcément nécessaire de représenter le compendium de la masculinité pour être homme.
Mais maintenant que l’ère du « glam-rock » est tristement révolue, la société américaine et par conséquent internationale semble avoir perdu de vu toutes ces expériences liées à ce mode d’expression de la masculinité alors révolutionnaire pour l’époque. Pourquoi est-ce-qu’aujourd’hui, voir un homme se maquiller semble tant déranger ? Pourquoi voir un homme porter des tenues volontairement efféminées fait autant grincer des dents ?
Comment décrire le masculin ? La question du genre est-elle vraiment définissable puisque son appréhension dépend de chaque culture. Chercher à définir le masculin (ou le féminin) c’est faire naître des divergences très prononcées entre les cultures, les époques, ou encore différents sous-groupes qui composent la population d’un pays. Mais alors qu’en est-il de la masculinité dans le monde des arts, et en particulier dans le monde de la musique ?
Dans le passé, la masculinité a été définie de bien des façons dans le monde des arts de la scène. Quand on y pense, Mick Jagger des Rolling Stones ou encore mon adoré Kurt Cobain, ex-membre des Nirvana, ne se sont jamais posés toutes ces questions lorsqu’ils se sont affichés en public en portant des robes : Jagger en 1996 devant l’objectif de la photographe française Brigitte Lacombe, et Cobain pour le magasine « The Face » en 1993. Devant de tels clichés, nul n’a pourtant remis en question leur masculinité.
L’icône Elvis Presley fut d’ailleurs l’un des premiers artistes à avoir présenté le concept de l’androgynie sur la scène musicale, et cela va s’en dire, nombreux furent ceux qui suivirent l’interprète de « Can’t Help Falling in Love« . Les performeurs qui tablèrent sur leur androgynie furent si nombreux qu’on ne les compte plus, mais aujourd’hui, cette tendance semble malheureusement s’essouffler, du moins aux Etats-Unis, nation pourtant berceau de ce nouveau genre de masculin.
Pourtant, en Corée du Sud, c’est bien ce profil qui plaît et qui fait vendre : le look glam chez les hommes est omniprésent dans l’univers de la KPop. Bien que le pays suive une lancée politique encore très conservatrice, il faut avouer que c’est extrêmement rafraîchissant d’observer une société qui ne réfléchit pas à deux fois aux regards d’hommes qui se plaisent à danser en arborant un smokey-eye des plus sexys.
Bien entendu, nous n’oublions pas que la virilité est également de mise dans cet univers. Cette constatation est d’ailleurs plutôt flagrante aux regards des chorégraphies qui semblent favoriser des mouvements majoritairement forts, puissants et résolument masculins chez les boys bands, tandis que le côté un peu plus « cute » est davantage réservé aux girls bands, à quelques exceptions près.
En 2018, le magazine américain Billboard avait pris contact avec nul autre que Taemin des SHINee afin d’articuler une interview enfin intéressante autour de son single « MOVE » sorti en 2017. Durant cet entretien, Taemin a exprimé le souhait « d’aller au-delà des éléments et des clichés qui semblent bien trop souvent définir la Kpop« .
Jamais il n’a hésité à remettre en question les normes liées à cette industrie et a depuis, toujours recherché à expérimenter de nouvelles choses, que ce soit en terme de musicalité qu’en terme de style. Nous en avons d’ailleurs eu la preuve avec son single « WANT » sorti en 2019. Lorsque les chorégraphies de groupes masculins tendent à davantage mettre un avant une certaine agressivité, certes mesurée mais non pas moins présente, Taemin s’est essayé à trouver un terrain d’entente afin de mélanger harmonieusement des mouvements traditionnellement associés aux boys bands à ceux typiquement reliés aux girls bands, afin que la chorégraphie se libère des marqueurs binaires qui régissent notre société dans un effort de transcender le concept même de genre.
Même avant « MOVE« , Taemin a toujours été connu pour avoir donné vie à une image transcendant la forme traditionnelle de ce que nous entendons comme étant le masculin. Avec des titres comme « Pretty Boy » sorti en 2014 en featuring avec Kai des Exo, Taemin questionne « pourquoi le masculin ne pourrait-il pas lui aussi être sensible ? » [왜 섬세함 준비성이 남자와 반비례]. Une telle citation nous fait forcément penser au légendaire titre de Prince « Pretty Man« , sorti en 1999, dans lequel il célèbre une forme plus douce de masculinité, ainsi qu’une forme de sexualité qui ne se limite plus à l’image médiatique de l’étalon à la pointe de la virilité.
Et si on s’aventure sur ce terrain-là, il est bien évidemment hors de question de ne pas mentionner le titre « Sexuality » de Taemin sorti en 2016. Bien que les divergences entre Prince et Taemin soient bien entendues nombreuses, je pense qu’il est d’autant plus intéressant de soulever leurs similitudes concernant leur vision de l’homme moderne : un homme fier de lui, maître de ses propres choix en matière de sexualité et de représentation de sa propre sexualité.
Tous ces éléments participent à l’élaboration d’un spectre du masculin qui tend à s’élargir au fil des années, bien que les questions concernant les possibles préjugés à l’égard d’un masculin efféminé tendent elles-aussi à malheureusement refaire surface. Dans une société supposée évoluée comme la nôtre, il devrait être tout bonnement inconcevable d’avoir encore à communiquer avec des personnes qui critiquent le fait qu’un homme puisse, et surtout, ait l’envie et le droit de se maquiller. Ça a malheureusement été mon cas lors d’une conversation que j’ai eu il y a quelques années de cela avec l’un de mes oncles à la tendance très conservatrice.
Un magnifique article par Marlen Komar, rédactrice mode pour le magasine américain Bustle, explique que ce retour vers un mode d’expression genré plus classique dans le monde musical pourrait avoir quelque chose à voir avec notre sensibilité post-récession.
Elle explique qu’aux vues d’une société qui devient de plus en plus conservatrice, hyper-stylisée et qui nous pousse inlassablement à rentrer dans le moule redondant et ennuyeux de la normalité en nous menaçant sur le sujet de l’emploi, notre société tend à tolérer de moins en moins les expériences stylistiques. Le même genre de désinflation s’est observé entre le milieu et la fin des années 70 aux Etats-Unis avec le sujet de l’androgynie (souvenez-vous de cette période de récession très intense entre 1973 et 1979 qui découla de la répétition d’importants chocs pétroliers et qui a vu le « glam-rock » disparaître).
Néanmoins, et fort heureusement, il semblerait que nous nous dirigions à grand pas vers un avenir qui accepte et célèbre de nouveau l’androgynie, bien que le changement semble être encore un peu trop lent pour satisfaire une partie de nos jeunes communautés. C’est d’ailleurs peut-être l’une des très nombreuses raisons pour lesquelles la Kpop, et l’accent que ce genre musical met sur la notion de l’esthétique, ont tellement attiré les gens ces dernières années.
Les styles que ce genre musical met en lumière sont rafraîchissants et j’espère que son développement n’en ai qu’à son début. Les grands mouvements ont toujours été menés par un genre artistique en particulier, et si la Kpop devenait le leader du nouveau règne de l’androgynie dans notre société moderne ?
International Gimbap 
C’est ultra méga supra intéressant ! Vraiment bien construit, documenté, on sent bien qu’il y a eu de la recherche et de l’envie.
Merci beaucoup pour cet article !
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C’est un sujet qui me touche beaucoup et qui, je trouve, est au cœur de beaucoup de polémiques en ce moment. Ça me fait très plaisir qu’il est plu 🙂 Merci beaucoup pour ton retour
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